Bail emphytéotique, laicité et « loi de 1905 »
Lors du dernier conseil municipal, de violents accrochages ont eu lieu entre la majorité municipale, l’opposition et plus particulièrement son leader Christian BORELLI. (La Provence du 18 juillet 2013) Encore une fois, la loi dite « de 1905 » a été invoqué par les deux partis sans que réellement on puisse obtenir un consensus sur ce qui se cachait derrière cette loi.
Les récriminations de l’opposition et les envolés lyrique de la majorité sont-elles justifiés ? La commune avait-elle le droit de passer un bail emphytéotique avec une association cultuelle ?
La réponse à la première question est subjective. Le sujet de la construction d’une mosquée a toujours été un sujet explosif où les politiques ont toujours manié au TNT des prises de position grandiloquente.
Sur le fait qu’en passant un bail emphytéotique avec une association cultuelle, même pour un euro symbolique, la commune s’assoit sur la loi de 1905 et donne une subvention déguisée à une religion (accusation portée par Michel GARIN, président du groupe Jean-Jaurès de la libre pensée), il suffit de se pencher cinq secondes sur les décisions du Conseil d’Etat pour voir que ce n’est pas le cas.
En effet, une délibération identique (bail emphytéotique d’un euro pour la construction d’une mosquée) avait été prise par le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois le 25 septembre 2003.
Alors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait annulé cette délibération le 12 juin 2007 au prétexte de la fameuse loi de 1905, la Cour de Cassation, le 3 juillet 2008 avait annulé cette annulation car ne touchant pas à la loi de 1905.
Devant deux interprétations aussi divergentes d’un même article (le fameux article 2 de la loi de 1905), le Conseil d’Etat a été saisi et son jugement est des plus clairs :
Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle que « le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas par lui-même obstacle à l’octroi de certaines aides à des activités ou des équipements dépendant des cultes dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi ».
Ensuite, il rappelle aussi que « les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ; que les collectivités publiques ne peuvent donc, aux termes de ces dispositions, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels »
Enfin, il analyse l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales complété par l’ordonnance du 21 avril 2006, qui permet aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, d’autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d’un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif, en vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties, d’une part, le versement, par l’emphytéote, d’une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n’exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique, d’autre part, l’incorporation dans leur patrimoine, à l’expiration du bail, de l’édifice construit, dont elles n’auront pas supporté les charges de conception, de construction, d’entretien ou de conservation.
Ce faisant, le législateur a dérogé à l’interdiction, posée par la loi du 9 décembre 1905, de toute contribution financière à la construction de nouveaux édifices cultuels pour permettre aux collectivités de faciliter la réalisation de tels édifices.
En l’espèce, l’argument du groupe Jean-Jaurès de la libre pensée concernant une « subvention déguisée » à cause justement du montant d’un euro ne tient pas et, pire, un montant modique est même obligatoire !
Je ne peux que leur conseiller de lire attentive l’arrêté du Conseil d’Etat avant toute action en justice
(Voir : CE, 19 juillet 2011, Mme V., n°320796)
Reste maintenant à analyser la surprenante volte-face des membres de l’opposition et les étranges propos de leur leader, Christian BORELLI qui, oubliant leurs votes lors des précédentes délibérations, se sont, cette fois-ci, abstenus
Dans l’argumentaire de Christian BORELLI, on retrouvait étrangement les interrogations développées dans les colonnes de La Provence par Michel GARIN, président du groupe Jean-Jaurès de la libre-pensée, et dont on vient de voir l’erreur d’interprétation.
Sauf qu’à l’inverse de Michel GARIN, on pouvait légitimement se poser la question de ce qui avait poussé le groupe R.D.V. à changer son vote, et son leader à tenir de tels propos, qui nous renvoient à l’argumentaire d’une droite que pour ma part je ne peux comprendre.
Ou plutôt, je comprends trop bien ce qui se passe avec un recentrage « à droite toute » de la future liste U.M.P. et une volonté avouée de chasser sur les terres du Front National. L’instrumentalisation d’un projet que tous veulent apolitiques et qui faisait l’unanimité, sonne le glas de ce qui était l’exception vitrollaise permettant de parler d’une même voix sur des sujets ô combien brulant.
La présence de la future tête de liste FN dans le public (FN qui après des années de désintérêts total pour Vitrolles semble se rappeler que notre ville existe) n’est-elle pas pour quelque chose dans cet incompréhensible revirement ?
A la vue de tout cela, je ne peux que soutenir Loïc GACHON dans ce débat lorsqu’il explique qu’ « Il ne s’agit pas d’octroyer un avantage de quelque nature que ce soit, mais de souscrire aux principes élémentaires républicains de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et de tous les cultes devant la République ».
Pour ma part, je n’ai que deux souhaits : Ne pas se dérober sous prétexte que le sujet fâche et qu’on arrête de jouer avec le feu pour des raisons bassement électoralistes.
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