MR MALMEJAC REMERCIE LA POPULATION
5 décembre 1935
"Petit Marseillais"
Permettez-moi de vous prier d'insérer encore ce message, combien différent des précédents !
Nous venons de subit, ma famille et moi, le plus effroyable supplice que des parents puissent supporter. Grâce à une action merveilleuse de la police, notre petit Claude nous a été rendu. Nous n'aspirons plus, maintenant, qu'à retrouver le calme et l'équilibre d'autrefois. Mais avant toute chose, je tiens, monsieur le Directeur, à m'adresser à vos lecteurs. Nous avons, pendant ces moments terribles, été entouré non seulement par tous nos amis, mais par une sympathie générale, touchante, et je puis vous avouer aujourd'hui, qu'elle a grandement contribué à nous soutenir. Je veux qu'on sache qu'elle est notre admiration pour tous les membres de la justice, du plus élevé au plus humble; avec une conscience et un dévouement au dessus de tout éloge, ils ont réussi une tache terriblement difficile. Je veux qu'on sache quel appui désintéressé nous avons trouvé dans la presse, dans les services de radiodiffusion, dans tous les services des P.T.T. (lettres, télégraphes, téléphones) où chacun, spontanément, s'est employé à tout faciliter avec un zèle remarquable. Mais ce que je veux dire surtout ici, c'est combien nous avons été émus par vos lecteurs eux-mêmes, par ce peuple marseillais que nous aimons beaucoup, par les habitants des diverses régions. Je savais, par des amis de France et d'Algérie, que tous et toutes partageaient nos angoisses. Nous recevions de nombreux télégrammes, lettres, cartes; lettres de pères ou de mères qui sans connaître notre fils, s'y intéressaient de tout leur cœur, lettres émouvantes d'enfants qui "priaient bien pour qu'on nous rende le petit Claude", lettres contenant des images, des médailles, lettres de radiesthésistes. Lors des visites de maisons dans les quartiers soupçonnés, j'étais touché de voir la plupart des gens aller au devant des désirs de la police pour en hâter le travail … Devant tant de bonté, de pitié, je reprenais souvent courage. Depuis que Claude est retrouvé, ce fut aussi émouvant. Je n'oublierai jamais ces bras tendus vers l'enfant dans cette foule délirante de joie, ces amis inconnus qui, aussi émus que nous, les larmes aux yeux, venaient nous embrasser, certains même apporter des fleurs, des jouets, à notre fils … Cette petite fille, avec son album, fruit d'une collecte auprès de ses petits camarades, et combien d'autres encore …. Les mots traduisent mal l'émotion que nous ressentons devant une sympathie aussi vive, aussi spontanée.
Notre enfant, nourri à nouveau et soigné comme il le fallait, reprend une vie familiale calme. Plus tard, quand il sera en âge de comprendre, nous lui raconterons tout cela, nous lui montrerons ces lettres, ces télégrammes : nous serons trop heureux alors de lui apprendre à vous aimer tous comme vous l'avez aimé.
Voilà, monsieur le Directeur, ce que je tenais à vous dire pour vos lecteurs. Qu'ils agréent tous un souvenir ému et reconnaissant.