Jeudi 28 novembre 1935 : L'enlévement de Claude Malmejac

 

ANNEXE 2 :
L'AFFAIRE SAMANA


I

La mise en place du piège

 
II

L'agression

 
III

Le chantage

 
IV

Les aveux d'André Clément

 


Remarques : Le compte-rendu du drame tel que vous le découvrez, est en fait la mise en écriture des témoignages de certains acteurs lors d’émissions diverses, des récits des témoins, des compte-rendu des journaux de l’époque, que ce soit les quotidiens nationaux comme le Petit-Parisien ou l’Intransigeant, pour ne citer que les principaux, ou la presse locale, le Petit Marseillais et le Petit Provençal en tête.

La plus grande partie de l’iconographie est issue des photos publiés par deux quotidiens connus pour leurs photos : Paris-Soir et l’Intransigeant. La mauvaise qualité de cette iconographie est due à l'utilisation du bélinographe, appareil de transmission des photos à distance par le biais du système téléphonique, appareil révolutionnaire pour l’époque et ancêtre du télécopieur.

Ce récit se veut être le plus proche possible des réactions humaines qu’ont eu les témoins et les acteurs du drame en ce jour tragique. Il se veut surtout être un texte à la mémoire des habitants de Marseille qui se sont tant inquiété du sort d'un enfant qu'il ne connaissait pas mais qui, pour eux, était avant tout un enfant de Marseille..

 

L'arrestation des ravisseurs du petit Claude Malmejac permis à la Sûreté de rouvrir un de ses dossiers qui allait être classé : "l'affaire Nessim Samama." Cette affaire traite le cas de l'agression d'un avocat suivi d'une tentative de chantage.

La victime est un riche tunisien installé de longue date à Marseille, Nessim Samama, avocat conseil âgé de soixante neuf ans et dont les bureaux sont installés au 31 rue Saint Basile.

 

I/ La mise en place du piège :


Maitre Samama reçut entre le 12 et le 15 septembre 1935 la visite à son bureau d'un jeune homme à l'accent parisien prononcé. Celui-ci venait le voir à propos d'un écriteau qu'il avait vu sur une villa située aux 105 Promenade de la Plage (Dans les années trente, les petites annonces pour la location était très peu répandue et les pages d'annonces classées peu développées dans les journaux. A titre d'exemple, une demi page dans le Petit Marseillais, et rien dans le Petit Provençal.)


Villa à louer
S'adresser à Monsieur Samama
31 rue Saint Basile


Le visiteur déclara s'appeler Isnard et habiter actuellement au Boulevard Baille. Il se déclara intéressé et demanda à la visiter, ayant l'intention de la louer pour sa mère et sa sœur demeurant à Paris et devant venir s'installer à Marseille sous peu.

Au cours de l'après-midi du même jour, monsieur Samama fit visiter la villa au jeune homme qui réserva sa réponse, attendant de connaître la réponse définitive de sa mère à qui il se proposait d'écrire le jour même.

L'avocat reçut des nouvelles de son visiteur quelques jours plus tard, en l'occurrence le 19 septembre 1935 par le biais d'un appel téléphonique d'une femme. La correspondante se présenta comme étant la mère de Mr Isnard et fixa rendez-vous à l'avocat le lendemain, à dix heures très précises, devant la villa.

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II/ L'agression :


Le 20 septembre 1935, l'avocat fut exact au rendez-vous devant les grilles de sa villa mais personne ne s'y trouvait. Troublé, l'avocat pénétra dans le jardin puis dans la villa pour attendre sa visiteuse. Il se trouvait dans le fumoir depuis quelques minutes lorsque soudain le jeune homme de la semaine précédente fit irruption dans la pièce, un revolver à la main.

" Pas un geste, pas un mot où je vous brûle !"

Terrorisé, Mr Samama s'affala dans un fauteuil proche

"Non ! Levez-vous. Marchez devant ! Ne vous retournez pas ! Montez au premier, dans le hall ! "

Monsieur Samama obéit et quand ils eurent atteint le palier du premier étage, le jeune homme expliqua :

"Vous avez fait perdre à ma famille, comme avocat-conseil, plus de cent cinquante mille francs. Vous allez me signer un chèque de vingt cinq mille francs !

- Mais je n'ai pas de carnet de chèque sur moi !

- Qu'à cela ne tienne. Vous allez écrire un mot à l'adresse de votre dactylo pour qu'elle vous en fasse parvenir un tout de suite.

- Mais, je n'ai pas l'argent en banque !

- Comment, vous venez d'acheter une villa de trois cent mille francs et vous prétendez que vous n'avez pas d'argent ?"

Mais l'agresseur parut décontenancé par les réponses et l'attitude de l'avocat. Changeant finalement de tactique, il lui demanda de vider ses poches.

L'avocat s'exécuta et remit à son agresseur quatre cent cinquante francs en liquide, sa montre en or de marque suisse et d'une valeur de cinq mille francs, la giletière et la bourse en argent contenant soixante francs en monnaie. L'avocat tenta un coup de bluff :

"Je voudrais bien garder ma montre, j'y tiens beaucoup !

- Elle vous sera rendue dans trois jours si dans ce laps de temps vous ne portez pas plainte."

L'agresseur fit alors monter l'avocat dans une chambre de bonne.

" Restez là où je vous tue !

- Mais vous ne m'avez pas laissé un sou !

- Voilà dix francs pour votre taxi !"

Laissant l'avocat enfermé dans la chambre de bonne, l'agresseur prit la fuite.

Étrange agresseur qui laisse dix francs à sa victime pour qu'elle puisse prendre un taxi. Toute la presse marseillaise fera remarquer ce détail.

Au bout d'un quart d'heure, sûr que son agresseur était parti, l'avocat se libéra puis téléphona à son gendre avant d'alerter la police.

La Sûreté ouvrit alors une enquête mais ne trouva aucun Isnard à l'adresse donnée du boulevard Baille.

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III/ Le chantage :


Le 21 septembre 1935, soit le lendemain de l'agression, Mr Samama trouva un billet dans sa boite aux lettres, billet écrit au crayon.



La montre vous sera restituée contre mille huit cent francs que vous devez me verser si vous insérez dans le Petit Marseillais l'annonce suivante :

"Perdu montre en or quartier du Prado.
Récompense 1800 francs.
Rapporter à l'adresse …"

Il faut que votre réponse paraisse avant mercredi.


On peut constater que déjà André Clément employait un procédé qui sera le sien lors de l'enlèvement.

Mr Samama inséra l'annonce sur les conseils de Mr Couplet, Chef de la Sûreté qui avait pris toutes les dispositions nécessaires pour mettre la main sur le jeun bandit.

Au rendez-vous fixé en pleine rue, un gamin s'approcha de l'avocat et lui remit la montre. Immédiatement, un policier bondit sur l'enfant et l'appréhenda. Celui-ci se défendit avec toute la conviction de la bonne foi :

"C'est un monsieur qui m'a remis cette montre, place Alexandre Labadie, et qui m'a dit de me trouver ici !"

En réalité, André Clément flairant le piège, suivit le gamin de loin et prit la fuite en voyant la police intervenir.

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IV/ Les aveux de André Clément :


Clement et sa mère

Clément et sa mère lors de leur arrestation


Lorsque l'agresseur passa aux aveux de l'enlèvement du petit Claude Malmejac, il avoua aussi cette agression après un long interrogatoire du juge d'instruction Minnard. Toutefois, il précisa plusieurs fois que sa mère n'était pas du tout impliquée dans cette affaire.

A la question du juge faisant remarquer qu'une femme avait téléphoné à l'avocat, il se contenta de dire qu'il avait imité une voix de femme en téléphonant ! On peut en douter puisque, contrairement à ce que Nissim Samana confirma qu’il s'agissait bien d'une femme et non d'une voix déguisée.

Pure affabulation aussi que les accusations portées par André Clement à l’encontre de l’avocat lors de leurs discussions dans la ville. Le jeune homme n’a jamais eu affaire avec l’avocat, de près ou de loin, hormis une courte visite à son bureau pour repérer les lieux et la fortune de sa proie. C’est là qu’il vit la fameuse dactylo dont il cita l’existence lors de la tentative d’extorsion.

De même, on peut noter la minutie de la préparation de cette tentative d’extorsion puisque la somme demandée correspond à la valeur exacte de la villa. Preuve, si on en doutait encore, qu’André Clément s'est renseigné sur l'avocat avant de faire son coup.

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Les retrouvailles vues par Leon Bancal
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L'affaire Paloume-Lafresne
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