Jeudi 28 novembre 1935 : L'enlévement de Claude Malmejac

 

Annexe 1 :
Le récit des retrouvailles par Leon Bancal


Remarques : Le compte-rendu du drame tel que vous le découvrez, est en fait la mise en écriture des témoignages de certains acteurs lors d’émissions diverses, des récits des témoins, des compte-rendu des journaux de l’époque, que ce soit les quotidiens nationaux comme le Petit-Parisien ou l’Intransigeant, pour ne citer que les principaux, ou la presse locale, le Petit Marseillais et le Petit Provençal en tête.

La plus grande partie de l’iconographie est issue des photos publiés par deux quotidiens connus pour leurs photos : Paris-Soir et l’Intransigeant. La mauvaise qualité de cette iconographie est due à l'utilisation du bélinographe, appareil de transmission des photos à distance par le biais du système téléphonique, appareil révolutionnaire pour l’époque et ancêtre du télécopieur.

Ce récit se veut être le plus proche possible des réactions humaines qu’ont eu les témoins et les acteurs du drame en ce jour tragique. Il se veut surtout être un texte à la mémoire des habitants de Marseille qui se sont tant inquiété du sort d'un enfant qu'il ne connaissait pas mais qui, pour eux, était avant tout un enfant de Marseille..


"Comment le professeur a retrouvé son enfant"
Récit de Léon Bancal publié par le « Petit-Marseillais » le 3 décembre 1935


 

« Le hasard m'a fait vivre hier après-midi quelques minutes qui comptent à la fois comme les plus angoissantes et les plus émouvantes de ma vie de journaliste.

Un coup de téléphone venait de nous apprendre l'arrestation des ravisseurs du bébé. Des circonstances de cet événement, nous ne savions rien d'autre, sinon que l'un des deux avait été tout près de tuer l'enfant. Nous cherchions avec l'anxiété que l'on devine à obtenir la confirmation de la nouvelle et des détails complémentaires lorsque le docteur Malmejac apparut.

Que de fois déjà il était venu chez nous, apportant quelques uns de ces messages dont il espérait bien qu'ils finiraient par lui permettre de retrouver son cher petit.

Il tenait à la main une de ces papiers. Je ne le laissais par parler.
- C'est donc vrai ! lui lançais-je.
- Quoi donc ?
- On l'a retrouvé ?
- Mais non … Je viens de chez moi et je vous apporte …

Je crois qu'à ce moment je lui crie en plein visage : Votre fils est retrouvé ! venez !
Nous bondissons dans l'escalier. Il m'interrogeait :  Où allons nous ?

Nous traversions le cours du Vieux-Port et prenions un taxi dont le chauffeur a du d'abord croire que nous avions perdu la raison.

Quels instants cruels dans cette voiture pendant le trajet du Petit Marseillais à l'Hôtel de Police.
- Oui, disais-je, votre petit Claude a été retrouvé. La vieille femme a été arrété. Son complice aussi.
- Non ! Ce n'est pas vrai ! Qui vous l'a dit ?
- Un coup de téléphone …

Puis, dans la pénombre du taxi, je sentais la main du docteur qui serrait mon bras. Il me demandait : Vivant ? est-il vivant ?
- Oui docteur, il est vivant, vous allez le revoir !  
- Je ne le crois plus !

Et à chaque instant, cette voix brisée de larmes répétait : Vous êtes sûr qu'il est vivant ?
- Je vous l'assure. Ne lui ai-je pas donné ma parole qu'il allait retrouver son enfant vivant ?

Hélas ! Comment pouvais-je être sûr que l'enfant était sain et sauf ? J'avais beau me rappeler les mots entendus au téléphone. J'avais beau m'assurer moi-même que le collaborateur qui nous avait avisé était un homme sérieux …

Si par malheur …

J'en étais à me demander si cet homme à qui j'avais promis qu'il allait retrouver son enfant allait le retrouver vivant !

Minutes mortelles. J'aurais voulu, tandis que nous approchions du Fort Saint-Jean, parler d'autre chose pour chasser l'angoisse de ce père et la mienne …

Mais, ses cesse, il répétait : Vous êtes sûr qu'il est vivant ?

Et je répondais : Oui … Oui … comme on répond à un enfant pour le consoler.

La rue de l'Évêché était noire de monde. A peine étions-nous descendu que la foule, sans rien savoir, avec son instinct pénétrant, avait deviné qui était mon compagnon.

"le père … le père !" entendait-on circuler et les braves gens qui étaient là s'effaçaient pour nous laisser passer.

En quelques enjambées, nous arrivâmes à la porte de l'appartement du Chef de la Sûreté, devant laquelle journalistes et photographes montaient une impatiente garde.

La porte s'ouvre et je n'ai que le temps d'apercevoir au bras d'un inspecteur un bébé palot, vêtu de bleu, coiffé d'un béret d'angora blanc. Un cri :   Mon petit Claude !

Le docteur serre contre sa poitrine l'enfant. Il pleure. Le petit pleure et, joue contre joue, le père mêle ses larmes à celles de son fils.

Nous étions là, une dizaine de personnes. Je voudrais savoir quel est celui d'entre nous qui n'a pas eu la gorge sèche et qui n'a pas sentie ses yeux se mouiller …

Ceux qui ont vu cet homme presser contre sa poitrine ce bébé et qui ont entendu la petite voix répéter :  Papou … Papou n'oublieront pas de sitôt cet instant.

Puis je n'ai plus rien vu, sinon le père assis sur une chaise, mitraillé par les photographes qui avaient réussi à entrer. Invitant le chef de la Sûreté à s'assoit à coté de lui, il riait à travers ses pleurs et son gosse sur les genoux, il répétait : Allez-y … aujourd'hui, autant de photos que vous voudrez ! »

Léon Bancal

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Jeudi 28 novembre 1935
Annexe 2 :
L'affaire Samana
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