« Assassinat Alexandre 1er » (Introduction)
Pour vous faire une idée, l’introduction du « Tome II » des « Chroniques de Marseille » :
Mardi 9 octobre 1934,
Marseille est en fête. Et il existe une excellente raison à ces festivités. La cité phocéenne accueille, en visite officielle, le roi Alexandre 1er de Yougoslavie, un grand ami de la France.
Vers seize heures, à l’angle de la rue Saint-Ferréol et de la rue Francis Davso, devant l’entrée des « Dames de France », une petite fille de quatre ans se cramponne fermement à la main de sa mère. Elle est perdue au milieu d’une foule des plus dense et des plus excitée.
Sa mère cache mal son inquiétude. A la vue de la foule présente autour d’elles, elle se demande si c’est une bonne idée de s’être placé là. Mais il était hors de question d’accompagner son mari qui avait préféré se rendre place de la Bourse pour être au plus près de l’événement. C’était une erreur à son avis, car il était plus que probable que des milliers de Marseillais se soient donné rendez-vous sur ce point névralgique de Marseille. Avec la foule prévisible à cet endroit-là, le lieu semblait risqué pour y emmener un enfant aussi jeune.
En choisissant la Place de la Bourse, sans le vouloir, le père de famille allait se retrouver mêlé, à son corps défendant, à un drame qui se révélera historique.
Lorsque vers seize heures trente, la mère et sa fille entrevoit plusieurs voitures, dont la Delage royale, passer à toute allure devant elles, suivit par un peloton d’agents cyclistes qui n’arrivent pas à suivre le rythme, elles comprennent immédiatement que quelque chose de grave vient de se dérouler. Mais elles n’évaluent pas à ce moment précis, la portée historique de ce qu’elles sont en train de vivre.
Sur la place de la Bourse, au même moment, son mari reprenait son souffle, après avoir assisté à un événement majeur de la vie marseillaise et participé à une scène de panique d’une rare intensité. Il avait conscience d’avoir échappé de peu à la mort.
Ma mère et mes grands-parents se retrouvaient au cœur de l’Histoire avec un « H » majuscule.
Pour le commun des mortels, Marseille a toujours été entourée d’un halo sulfureux. Quand on parle de la cité phocéenne, on évoque forcément ses galéjades proverbiales, ses histoires marseillaises improbables, mais aussi la mafia, le grand banditisme ou son cosmopolitisme qu’elle exhibe si fièrement.
À tous ces adjectifs, on peut, de même, y ajouter « tragédies ». L’une d’entre elles se déroula sur la Canebière, à deux pas de ce Vieux-Port si cher dans le cœur des Marseillais, par une splendide après-midi d’un mois d’octobre.
Cette tragédie, rien de moins que l’assassinat d’un roi, est profondément inscrite en lettre de sang dans la mémoire de la cité phocéenne. La plaque en bronze, apposée face au palais de la Bourse, le rappelle quotidiennement aux passants. Le monument pour la paix, érigé à la suite de ce brutal décès, rue de Rome, est un témoignage silencieux de la folie des hommes.
Mais au-delà de la cité meurtrie, cette tragédie entraîna également des conséquences incommensurables sur la vie de millions d’êtres humains. Outre le roi Alexandre 1er de Yougoslavie, mourait Louis Barthou, le ministre des Affaires étrangères français. Cette disparition allait entraîner l’arrivée de Pierre Laval, son successeur au quai d’Orsay. Cette nomination entraina dans les mois qui suivirent un changement majeur dans l’orientation de la diplomatie et de la politique étrangère française.
L’attentat de Marseille mit l’opinion publique en sidération totale. Il lui fit prendre conscience du danger mortel que représentait le terrorisme. Cette sidération, suivie de cette prise de conscience, fut d’autant plus importante que, pour la première fois de l’histoire, un tel événement fut filmé et rapporté en direct. Il était désormais illusoire de se considérer à l’abri d’un phénomène qui pouvait frapper n’importe où, n’importe quand, n’importe qui.
Sans ces deux morts illustres, (sans compter les innocents qui ont aussi péri ce jour-là ), la Seconde Guerre mondiale n’aurait probablement pas pris le tour qu’on lui connait aujourd’hui (on peut toujours rêver !).
Dans cette étude, nous allons étudier le déroulement de l’assassinat, son élaboration, ses conséquences, mais aussi quelques sujets brulants entourant ce meurtre. Les sujets abordés iront de la politique étrangère française dans les années trente aux liens entre Marseille et la Capitale. Nous y inclurons la censure politique, l’organisation des voyages officiels ou comment tenir un procès politique durant l’entre-deux-guerres.
Et comment ne pas évoquer en toile de fond la pègre, si présente à Marseille durant cette période ? Quant à la mafia …
Bonne lecture,
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