La France de la « révolution paxtonienne » sur la sellette

Les choses ont bien changé depuis cette année 1981 durant laquelle un historien, américain de surcroit, Robert ¨Paxton pour ne pas le nommer, mis à bas trente-sept ans de fausses croyances : « Vichy n’avait pas subi la politique antisémite du IIIème Reich mais l’avait accompagnée voire même précédée ». La « révolution paxtonienne » était en marche et deux livres en furent les piliers : « La France de Vichy » (Seuil, 1971) et surtout « Vichy et les juifs » (Seuil, 1981). Ces deux ouvrages bouleversèrent l’appréhension et la perception de cette période noire de notre histoire.

Avec le temps et l’ouverture progressive des archives, la France a pris en compte cette perception. Elle a fini par reconnaître le rôle sombre de l’État français en 1995 par la bouche de Jacques Chirac, alors président de la République. L’Église de France a admis son silence assourdissant et a fait acte de repentance pour cela. La justice a accompli, avec retard certes, son rôle, en jugeant des criminels de guerre pour crimes (ou complicité de crimes) contre l’humanité.

Maintenant que les archives sont définitivement ouvertes, il se passe un phénomène inverse et nombreux sont ceux, parmi lesquels des historiens de renom, qui font preuve de ce que je qualifierais de laxisme criminel dans la présentation des faits.

L’argumentaire est facile et imparable : 75 % des juifs de France ont été sauvé. Cela n’a pu se faire sans la complicité des français et des autorités les représentants. On peut résumer cette thèse par l’affirmation : « Vichy est le bouclier qui a protégé les juifs de France »

Et les défenseurs de cette thèse, dont un ancien chroniqueur de ONPC, s’appuie sur les travaux de l’historien Jacques Sémelin, spécialiste des génocides et de la résistance non violente, auteur d’une étude : « Persécutions et entraides dans la France occupée. Comment 75 % des juifs de France ont échappé à la mort » (Seuil, 2013)

C’est à ce moment que je rejoins de nouveau pleinement l’américain Robert Paxton et le canadien Michaël Marrus dans la thèse complémentaire développée dans la nouvelle version de « Vichy et les juifs » publiée dernièrement chez Calman-Levy.

Oui 75 % des juifs de France ont eu la vie sauve mais 25 % de ces mêmes juifs de France ont aussi péri. Un chiffre aussi élevé ne peut se faire sans la complicité de l’État français et de ses administrations (force de l’ordre, chemin de fer, etc …) couplée à une certaine indifférence de la société française elle-même.

Et si l’on compare avec les autres pays, on s’aperçoit que la déportation des Juifs a été plus importante en France que dans les autres pays occupés. Ainsi, l’Italie fasciste, pourtant doté de loi antisémite, n’a vu que 16 % des juifs d’Italie disparaitre.

« Le bilan est plus lourd qu’il aurait dû être », accuse Robert Paxton. Il a ô combien raison.

Comment ne pas passer sous silence les différents statuts des juifs édictés par Vichy ?

Comment na pas passer sous silence ce premier projet de statuts que Philippe Pétain durcit de sa main au-delà de l’acceptable au point que son propre ministre de la justice va édulcorer le texte ?

Comment passer sous silence la livraison aux nazis de 10.000 Juifs étrangers venues de la zone non occupée ?

Comment passer sous silence la participation des forces de l’ordre française aux arrestations puis au gardiennage des camps de transit de si sinistre mémoire ?

Comment passer sous silence l’efficacité de la SNCF dans l’organisation des trains de déportés et dont la lecture des fiches horaires fait frémir d’horreur ?

Comment enfin passer sous silence Rivesaltes ou Les Milles ?

Alors oui, 75 % des juifs de France ont eu la vie sauve à la fin de la guerre. Alors oui, une partie de la population française a désapprouvé ces actes. Alors oui, en quelques occasions, l’église a joué son rôle et permis de montrer le caractère inique de ce qui se passait en France et oui, des français ont fait plus que désapprouvé.

Mais, 25 % des juifs de France, soit 90000 personnes, c’est 25 % et 90000 personnes de trop !

Jean-Claude Mathon – 14 octobre 2015

Modifié le 15 octobre 2015 (fautes d’orthographes et de syntaxe)

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