« Boxe, milieu, tuerie et action caritative » (Introduction)
En avant première, l’introduction du futur « Tome III » des « Chroniques de Marseille » :
Il n’est pas rare de constater que plusieurs événements successifs, et plus ou moins indépendants, soient liés entre eux. Il n’est pas non plus rare que le sport, le business, la politique et la pègre le soient aussi. Il est plus rare qu’une action caritative se retrouve au cœur de cet enchainement d’événements, qui sont dominés par les malfrats marseillais.
C’est ainsi qu’au début des années trente, à Marseille, deux combats de boxe et un braquage mortel vont se retrouver au cœur d’un imbroglio où tout le monde connait tout le monde et où tous les événements vont être étroitement imbriqués.
Tout commence le mercredi 1er janvier 1930 quand un combat de boxe oppose le champion marseillais Kid-Francis à l’ogre américain George Mack.
Tout continue le jeudi 21 avril 1932 quand une bande de braqueurs menée par le supposé anarchiste Camille Maucuer, s’attaque au bureau de poste de Saint-Barnabé. Cette attaque va tourner au fiasco sanglant total, traumatisant profondément une ville qui voulait éviter d’être sur le devant de la scène.
Tout rebondi le jeudi 14 juillet 1932 avec un nouveau combat de boxe à vocation caritative. L’enjeu est malgré tout important puisqu’il s’agit du titre mondial des poids coq opposant le champion local Kid-Francis au champion en titre, Panama Al Brown.
Trois événements à priori très différents pourtant très fortement liés
Le premier peut être considéré comme une première tentative d’’immixtion de la pègre dans un milieu sportif, en l’occurrence celui de la boxe. La boxe était « LE » sport de l’entre-deux-guerres et donc un sport à son apogée à ce moment-là. Mais qui donc était George Mack, ce fabuleux boxeur opposé au champion marseillais ? Un champion d’exception aux dires des organisateurs. Les Marseillais vont rapidement se rendre compte que l’affiche de ce combat était trop belle pour être vraie. Le champion d’exception était certes exceptionnel, mais pas de la manière attendue.
Le deuxième est le résultat du dérapage mortel d’une bande de braqueurs ressemblant aux pieds-nickelés. Echappant au contrôle de la pègre marseillaise Ils organisent un coup, prometteur sur le papier, mais totalement raté lors de l’exécution. Le bilan est lourd : trois inspecteurs de la Sureté tués dans l’exercice de leur fonction et des malfrats qui repartent bredouille, mais poursuivis par toutes les polices françaises. On assiste alors à la plus grande chasse à l’homme des années trente !
Le troisième pourrait se qualifier par l’adage « on prend les mêmes et on recommence ! » Il est sans conteste le meilleur exemple de l’immixtion de la pègre dans un milieu sportif, en l’occurrence celui de la boxe. À l’exception du boxeur Georges Mack, ce sont les mêmes acteurs et malfrats qui sont aux commandes de ce championnat du monde caritatif censé venir en aide à des familles éplorées. Les recettes de ce combat doivent, en effet, être versées au profit des familles des trois inspecteurs tués dans l’exercice de leur fonction. Finalement, une seule véritable question va se poser : mais où sont donc passés les milliers de francs récoltés ?
Nous allons donc nous pencher sur cet enchainement d’événements qui secouèrent Marseille alors que la ville traversait une période particulièrement déstabilisante. Et on n’évoque même pas la période politiquement troublée que la France traverse au même moment.
Il est vrai que la cité phocéenne est déstabilisée durant l’entre-deux-guerres. Outre les deux grandes tragédies de cette période, l’assassinat du roi Alexandre 1er de Yougoslavie en 1934 et l’incendie des Nouvelles-Galeries en 1938, Marseille sera le théâtre d’autres faits divers dramatiques comme l’enlèvement du petit Malmejac en 1935, l’attaque du Train de l’Or en 1938, sans oublier l’affaire du « bon » docteur Bougrat en 1925.
Mais toutes ces affaires sont accentuées par un problème qui touche particulièrement Marseille, entachant son image, écornant sa légende, décrédibilisant sa parole, transformant en vérité un mythe monté de toute pièce par une presse avide de gros titres racoleurs. C’est le moment où le surnom de « Chicago français » apparait et se met à coller au nom de Marseille.
Le vrai problème de Marseille durant cette période, c’est le mélange des genres : pègre, politiques, artistes, sportifs sont étroitement entremêlés au point qu’il est difficile de distinguer à quel monde appartient telle ou telle personne. On obtient ainsi des événements qui, quoiqu’étant nationaux, vont frapper de manière étrange Marseille, écornant un peu plus son image.
Postérieur aux événement racontés dans cet ouvrage, l’affaire du conseiller Prince est le meilleur exemple de ce mélange des genres et l’apogée de la réputation sulfureuse de la cité phocéenne.
Affaire « secondaire » dans « l’affaire Stavisky », elle ne pouvait se traiter de façon apaisée, surtout quand la pègre marseillaise est accusée d’avoir aidé les politiques pour faire le ménage. On obtient une conclusion marseillaise ubuesque avec l’accueil triomphal à la gare Saint-Charles des deux caïds de Marseille, François Spirito et Paul Carbone , soupçonnés un temps d’avoir participé à l’assassinat du conseiller, puis absout par la justice française.
C’est dans ce contexte troublé et troublant que les trois événements évoqués ci-dessus, se sont déroulés, amenant une surmédiatisation de ces affaires et une surpolitisation, encore une, du traitement judiciaire.
De tout cela, on va voir comment Georges Mack a disparu de la circulation, Panama Al Brown, pour quitter Marseille, se reconvertit en Usain Bolt avant l’heure, Kid-Francis rencontra un destin tragique dans les camps de concentration, Camille Maucuer ne sauva pas sa tête à l’aube d’une froide journée d’avril, Paul Carbone, François Spirito et Simon Sabiani furent à la manœuvre et comment tous ces événements furent perçus par les Marseillais et par les glorieux représentants de la IIIe République.
Maintenant, laissons notre esprit flotter jusqu’à ce fameux mercredi 1er janvier 1930, point de départ de ces événements et voyons comment ils se sont enchainés.
Pour le meilleur et pour le pire de l’antique été millénaire cité phocéenne …
Bonne lecture,
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